Gilles : I.
Critique :
Delphine Horvilleur fait approcher ses lecteurs du mystère de la mort, mystère du passage, mystère de l'après sur lequel nous sommes à peu près tous avec les mêmes doutes, même si nous affirmons, les uns le néant, d'autres la résurrection ou la réincarnation.
Elle réussit cette approche, souvent fuie par les mortels, en énonçant son vécu de rabbin, son accompagnement de ceux qu'elle appelle les endeuillés, et aussi de quelques-uns qui s'apprêtent à franchir ce passage. Ce faisant, elle livre divers témoignages qui concerne aussi bien des personnes inconnues d'elles, défunts ou "endeuillés", que des amis proches, des enfants et, bien sûr, inévitablement et heureusement, Simone Veil, son amie Marceline, leur immense cortège passant par Birkenau, Auschwitz et tous ces lieux qui devaient anéantir son peuple.
Elle consacre un chapitre à Yitzhak Rabin, homme de paix, emporté par un sionisme qui n'est pas celui de Delphine Horvilleur, qu'elle ne peut comprendre, portant haut l'image de celui qui avait la volonté et la conviction de réaliser la paix.
Au-delà de ces figures, elle évoque tous ces morts du quotidien avec lesquels nous devons continuer à vivre, qui sont nos mémoires, elle le fait en s'appuyant sur les textes bibliques, ce qui peut rendre encore moins compréhensibles ces mystères à ceux qui ne sauraient s'écarter de l'aspect prophétique de ces textes pour tenter de s'approcher du vrai mystère divin.
Malgré le sérieux du sujet, son propos ne manque pas d'humour, avec quelques histoires juives illustrant ses propos.
J'ai trouvé dommage qu'elle ne creuse pas davantage le mystère de la vie et de la mort pour peut-être nous aider à "mieux vivre avec nos morts" et nous préparer à mourir avec eux.
Extraits
Personne ne sait parler de la mort, et c'est peut-être la définition la plus exacte que l'on puisse en donner. Elle échappe aux mots, car elle signe précisément la fin de la parole. Celle de celui qui part, mais aussi celle de ceux qui lui survivent et qui, dans leur sidération, feront toujours de la langue un mauvais usage. Car les mots dans le deuil ont cessé de signifier. Ils ne servent souvent qu'à dire combien plus rien n’a de sens.
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L'annonce d'une maladie ou d'une suspicion de maladie produit invariablement cet effet. Vos proches continuent bien sûr de vous parler, mais ils amorcent généralement à votre insu une autre conversation en votre absence, avec votre mari, votre femme, votre cercle rapproché. Et ils font de votre santé un sujet de conversation qui vous échappe. Vous percevez parfois un chuchotement à votre approche, ou une conversation qui s'arrête quand vous entrez dans une pièce.
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Deux rescapés des camps […] font de l’humour noir sur la Shoah. Dieu, qui passe par là, les interrompt : « Mais comment osez-vous plaisanter sur cette catastrophe ? », et les survivants de lui répondre : « Toi, tu ne peux pas comprendre, tu n’étais pas là ! ».
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