top of page

Requiem : Poème sans héros et autres poèmes (Akhmatova, Anna)


Gilles : Cette poète, qui m'était complètement inconnue, était une des préférées de mon libraire qui me l'a vivement conseillé. Ces poèmes sont d'une grande sensibilité. Au-delà du contexte soviétique et son lot de terreur lié au système totalitaire, ils évoquent magnifiquement les moments de douleur, de tristesse mais aussi les instants de bonheur parfois fugitifs mais très fortement attendus. Ces poèmes sont abordables et trouvent un juste milieu entre l'explicite et l'évoqué. On ressent assez bien l'atmosphère russe des années soviétiques, l'humanité des opprimés en résistance à ce monde totalitaire.


Critique :


Dans une langue cristalline, Anna Akhmatova nous parle de la Mort aveugle omniprésente dans une société dont les dirigeants ont perdu leur humanité.

Cette plume magnifique et limpide transperce le lecteur comme le ferait la glace. De ces mots simples s'échappent la détresse et la douleur qui étreint tant qu'elle étouffe, l'effondrement et l'incompréhension de vivre dans un système absurde qui fauche les êtres aimés dans le seul but d'étendre les ténèbres, sous le regard impassible des étoiles ... Et malgré tout, la Néva, comme le sang, continue de couler ...


Finalement, l'amour de ces innocents emprisonnés, torturés ou morts et le courage face à l’adversité et la volonté de résistance : c'est ce qu'il reste d'humain dans ce monde étrange.


Magnifique et bouleversant recueil dont les vers décrivent le régime totalitaire des années 1930 , années les plus "dures" du communisme russe.



Ce recueil de poèmes a été écrit dans les années 30. A cette époque, le fils de la poétesse Anna Akhmatova était en prison et sa mère se joignait au flot de mères angoissées qui essayaient de voir leurs fils en prison.

La terreur des représailles était si grande que Anna Akhmatova n'a même pas osé couché ces vers sur le papier. Des amis les ont appris par cœur pour pouvoir les restituer ensuite.

Des vers d'une tristesse poignante, qui ne vous lâchent plus ensuite.


Extraits


POÈME SANS HÉROS, deuxième partie (strophes 24 & 25)


Demande aux femmes de mon temps,

Bagnardes, " cent-cinq ", prisonnières,

Et nous te raconterons tout :

Que la peur nous abrutissait,

Que nous élevions des enfants,

Pour la prison, la torture et la mort.


Pinçant nos lèvres bleuies,

Hécubes devenues folles,

Cassandres de Tchoukhloma

Portant des couronnes de honte,

Nous serons un chœur de silence :

" Au-delà de l'enfer, il y a nous. "


DEUX CHANSONS - LA SECONDE


Cette merveille de notre rencontre,

Était lumière et chanson.

Je ne voulais plus

Aller nulle part.

C'était une amère douceur

Qu'un bonheur au lieu d'un devoir,

Je devais ne pas lui parler,

Et j'ai parlé longtemps.

Que les passions étouffent les amants,

Qu'elles exigent des réponses !

Nous n'étions plus, mon ami, que des âmes

Sur le bord du monde.



LA PORTE EST ENTROUVERTE


La porte est entrouverte.

Les tilleuls frémissent…

Oubliés sur la table :

Une cravache, un gant.


La lampe fait un cercle de clarté.

Il y a des bruits que j’entends.

Pourquoi es-tu parti?

Je ne comprends pas.


Demain matin la lumière

Sera pleine de joie.

Cette vie est brève.

Sois sage, mon cœur.


Tu es à bout de force,

Tu bats plus sourdement.

Tu sais, je l’ai lu quelque part:

Les âmes sont immortelles.

.



Comments


Dernières parutions
Tags
Catégories
bottom of page