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Gioconda (Kokantzis, Nikos)


Gilles : Très beau livre grec qui mêle une histoire romantique avec une issue tragique. Tout d'abord, l'initiation amoureuse des 2 jeunes personnages est rendue magnifiquement avec beaucoup de pudeur et une grande sensualité. La guerre et la déportation de la jeune fille juive va assombrir définitiement cette belle histoire. Histoire probablement vécue par l'auteur, écrite longtemps après, relatant une période noire de la Grèce pendant la 2ème guerre mondiale notamment à Thessalonique, ville concentrant les juifs pour les déportations. Livre en contrepoint de l'oubli du passé d'une société grecque dans lequel les moments de bonheur ont été engloutis.


Critique : Parce qu'il ne l'a jamais oubliée, parce qu'il l'a cherchée dans toutes les femmes qu'il a étreintes depuis ce jour de 1943 où Gioconda a été emmenée pour ne plus jamais revenir, Nìkos Kokàntzis l'a immortalisée dans un magnifique récit où il relate sans pudeur mais avec beaucoup de respect leur initiation amoureuse à tous deux dans une Grèce puritaine et traditionnelle à qui la guerre a autorisé quelques libertés, tant qu'elles restaient secrètes. Bien entendu. Dans une Thessalonique assiégée par les Allemands, deux enfants s'aiment. Ils ont dix ans. Puis, un jour treize. La guerre est là, autour, menaçante. Mais l'amour est plus fort que la guerre, plus fort que les lois parentales, plus fort que tous les interdits religieux, plus forts même que la raison. Et c'est à cet amour que Nikos et Gioconda vont répondre. de toute leur âme. Avec le cœur. Mais aussi le corps. Parce que cet amour doit s'inscrire. Par des baisers, des étreintes, des caresses jusqu'à l'ivresse. Jusqu'à l'inéluctable. Mais Gioconda ne reviendra pas d'Auschwitz. Et Nikos aura toute sa vie pour se remémorer le moindre détail. En a-t-il inventé certains au fil des trente années qui séparent l'histoire de l'écriture ? Peut-être. Mais qu'importe. le récit de cette initiation amoureuse est à la fois sensible et sensuel. Un livre magnifique.


Extraits

Ce que très peu de gens trouvent dans toute leur existence, alors que tous le recherchent obstinément, m'avait été donné, par faveur spéciale, dès le début de ma vie. Depuis je n'ai pas cessé, je crois, de vouloir la retrouver dans chacune des femmes que j'ai approchées. Voilà ce qui explique sans doute cette recherche sans fin, ces innombrables visages nouveaux, cette solitude.


... dans ce temps si bref se concentraient le plaisir et l'émotion d'heures et de jours entiers qui, nous ne le savions pas encore, allaient donner un sens à notre vie, et remplir le vide laissé par mon amie quand elle serait partie à jamais. Je m'en souviens avec la plus profonde reconnaissance et je prie pour que le cauchemar des derniers mois de sa vie ait été adouci, ait perdu un peu de son horreur, grâce au souvenir de ces instants, à la plénitude de notre vie pendant ces derniers mois terrifiants et magiques. Je ne le saurai jamais...


Quand les premières rumeurs se confirmèrent, et que l'on sut imminent le rassemblement des juifs dans des camps de concentration, mon père proposa de cacher Gioconda quand sa famille devrait partir, et de la garder tant qu'il faudrait - et nous avions de bonnes chances de ne pas nous faire prendre. Mais son père et sa mère, quoique profondément émus, refusèrent sans discussion de s'en séparer. Et quand je lui demandai de ne pas leur obéir et de rester avec nous, contre leur volonté si nécessaire, la priant, la suppliant, lui disant qu'elle n'avait pas le droit de sacrifier sa vie, notre amour et nos rêves, elle me répondit tranquillement , avec une sérénité de mort que oui, sa vie loin de moi n'aurait plus aucun sens, en dehors des souvenirs qu'elle emporterait avec elle, et de l'amour qu'elle garderait - mais il lui était impossible de laisser ses parents, ses frères et sœurs marcher vers leur destin alors qu'elle-même resterait à l'arrière pour sauver sa peau.


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