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Les Chaussures Italiennes (Mankell, Henning)

Gilles : Ce roman reste assez classique dans sa forme. Il est bien ficelé, on est pris du début à la fin par l'histoire de ce vieux médecin vivant comme un ermite retiré dans une île et qui est rattrapé par les événements majeurs de son existence. On retrouve l'efficacité du roman policier, spécialité, a priori, de cet auteur suédois dans ce récit. On apprécie également l'ambiance de la Baltique et du nord de la Suède qui donne un charme à cette histoire. Très bon moment de lecture.


Critique : Le solstice d'hiver sur une île de la Baltique est propice à glacer le sang dans les veines. le seul remède étant de combattre le mal par le mal : s'immerger quelques instants dans un trou de glace. C'est ce que fait chaque jour l'ancien chirurgien Fredrik Welin, reclus depuis douze ans dans cette maison familiale, après une erreur professionnelle qui le ronge. A part le facteur hypocondriaque, il ne voit quasi personne. Jusqu'au jour où débarque Harriet, un ancien amour, qu'il a abandonnée. Elle se sait incurable et exige qu'il tienne sa promesse de jadis de l'emmener au bord d'un petit lac dans la forêt. Cette escapade en plein coeur de l'hiver est plus longue que prévue et apporte son lot de surprises dont Louise, 37 ans, fille de Fredrik qui ignorait son existence. Elle apparaît dans l'encadrement de la porte de sa caravane en peignoir rose et escarpins rouges. Elle a des occupations originales : la boxe, un amour irrépressible pour le Caravage, son mépris qu'elle adresse aux chefs d'Etats du monde entier et... les chaussures. La rencontre avec ce vieux bottier italien reclus lui aussi dans les forêts glacées du Nord constitue l'un des très bons moments du livre , de belles pages d'anthologie: beaucoup d'humanité et de chaleur au coeur du froid polaire. Grâce à son savoir et son expérience plus personne n'aurait mal aux pieds ! L'autre grand moment est la fête organisée pour Harriet qui décline de plus en plus. Sept convives se retrouvent autour de la table familiale en plein été cette fois, dans la lumière et la chaleur des heures qui comptent vraiment. Ce livre passe sans arrêt de l'ombre à la lumière, d'un passé de mensonges et de non-dits à un présent de vérité reconnue, de parallèles entre le grand-père mort et la petite-fille, entre le père et sa fille. Chaque personnage se donne la possibilité d'une rédemption, d'une réhabilitation de lui-même à ses propres yeux. Le style littéraire d'Henning Mankell est brut, sans chichis, sans concession non plus. L'écriture n'est pas intense mais les situations le sont. le froid exacerbe le réalisme de la solitude et du face-à-face avec soi-même. Lecture surprenante et prenante pour moi qui ne connaissais de cet auteur que le nom de son policier favori, Wallander.



Extraits


Il y a une beauté spéciale qui n'appartient qu'aux femmes très âgées. dans leurs rides sont inscrites toutes les marques, tous les souvenirs de la vie écoulée. je parle des femmes très âgées, celles dont la terre réclame le corps.


- Le plus beau, c'est quand il pleut. Je me demande s'il existe quelque chose au monde de plus beau qu'une douce averse d'été en Suède. D'autres pays ont des monuments remarquables, des cimes ou des gouffres vertigineux. Nous, nous avons nos pluies d'été.

- Et le silence.


Je me suis souvenu qu'elle m'avait dit un jour que la vie ressemblait aux chaussures. On ne pouvait pas imaginer qu'elles nous allaient si tel n'était pas le cas. Les chaussures trop petites font partie de la réalité.


Les gens sur les îles sont rarement bruyants ou expansifs. L'horizon est trop grand pour ça.


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