Gilles : Découverte de cet auteur israélien au travers ce recueil de nouvelles. L'auteur décrit au fil de chaque nouvelle une communauté d'un kibboutz. Les personnages apparaissent dans plusieurs nouvelles sous des angles différents. L'écriture est pleine de délicatesse, l'auteur est plein de bienveillance pour l'ensemble des personnages quelque soit la complexité des situations. Il arrive à décrire une communauté qui s'aime malgré les difficultés. Belle découverte et grand plaisir de lecture. Hâte de poursuivre cette découverte avec un roman d'Amos Oz.
Critique : La vie suit son court au kibboutz Yikha. L'auteur y arrête son regard - le temps d'écrire huit nouvelles - pour nous faire partager des moments fondamentalement humains, qui dépassent les différences culturelles ou religieuses. Dans cette communauté les gens se moquent, souffrent, se souviennent, s'épient, se jalousent, se séparent, se querellent, mais surtout : ils s'aiment. Derrière chaque drame personnel, Amos Oz nous parle beaucoup des liens d'amour qui unissent les membres de cette communauté. L'amour paternel, l'amour trahi, la compassion aussi, l'amour perdu, l'amour qu'on a jamais osé déclaré ou l'amour que l'on garde pour l'Humanité malgré les mauvais tours que la vie peut jouer. Cela faisait un moment que j'avais repéré des titres de cet auteur israélien (que je connaissais surtout pour son engagement pour la Palestine) et j'ai été charmée par sa plume sensible et pudique et les analyses très fines qu'il a su livrer de ses personnages en quelques pages. Bien sûr, il y a des nouvelles que j'ai moins aimé, mais pas de quoi m'arrêter là.
Extraits
La nuit
Cinq ou six étoiles brillaient dans le ciel sombre teinté de pourpre où le vent emportait des nuages bas et obscurs. Le kibboutz dormait à poings fermés. Les projecteurs de la clôture formaient des flaques de lumière jaune sur le sol. L'un d'eux, sur le point d'expirer, vacillait comme en proie à l'incertitude. Yoav dépassa à pas lents les massifs ténébreux et contourna la grange, les souliers pleins de boue. Tu es complètement aveugle, obtus et sourd, songea-t-il accablé. Nina s'était penchée pour lui prendre la main et la presser contre son coeur lorsqu'il lui avait promis de lui trouver un endroit où dormir, se rappela-t-il. Il aurait dû saisir le message et la prendre dans ses bras. Elle lui avait donné un signal auquel il n'avait pas répondu. Et un second en lui frôlant le bras - il l'avait ignoré une fois de plus.
Papa
Quand ils ne parlaient pas musique, dont tous deux étaient grands amateurs, ils écoutaient en silence du Schubert sur un vieil électrophone. Ils n'évoquaient jamais la mort de la mère d'Edna ni celle de son frère. Pas plus que les souvenirs d'enfance ou les projets d'avenir. Ils étaient tacitement convenus de ne pas toucher aux sentiments et d'éviter tout contact physique.