Gilles : Comme la critique qui suit, premier contact avec l'oeuvre de Vassili Grossman, au travers de ces 2 nouvelles. 2 sujets (une oeuvre d'art et un cimetière) qui servent d'appui aux réflexions de l'auteur sur l'homme et sa condition. Pour moi, l'occasion de découvrir l'humanité de cet écrivain.
Critique : Première rencontre avec l'oeuvre de Vassili Grossman, et : wouah ouh ! Quelle rencontre ! Ce petit recueil des éditions interférences rassemble deux nouvelles "La Madone Sixtine" et "Repos éternel". Deux réflexions sur l'humain, la beauté, la vie, la mort et le sens qu'on leur donne. "La Madone Sixtine" m'a éblouie. Pas d'autre mot possible. C'est une nouvelle magnifique, qui m'a touchée au plus profond. L'auteur réussit à parler de l'oeuvre, de la beauté et de la fascination qu'elle nous inspire . Et il parvient à faire le lien avec sa découverte du camp de Treblinka lorsqu'il faisait partie de l'armée rouge. le résumer comme ça est une insulte à l'auteur, car ces mots semblent bien réducteurs face à la force que ses quelques mots dégagent. "Repos éternel" est une réflexion sur la vie et la mort à partir des tombes que Vassili Grossman observe dans un cimetière. Venant juste après " La Madone Sixtine", difficile de ne pas constater que le ton de ce récit est plus "léger" et humoristique. Bien sûr ces deux nouvelles sont aussi lyriques et justes. Un très bon moment de lecture. Il me tarde de retrouver l'écriture et les réflexions de cet auteur..
Extraits
La Madone Sixtine
La Madone avec son enfant dans les bras, c'est ce qu'il y a d'humain dans l'homme, et c'est là son immortalité. En regardant la Madone Sixtine, notre époque y discerne son propre destin. Chaque époque contemple cette femme avec son enfant dans les bras et, entre les hommes de générations différentes, de peuples, de races et de temps différents, surgit une fraternité tendre, émouvante et douloureuse. L'homme prend conscience de lui-même, de sa croix, il comprend soudain le lien merveilleux qui existe entre ce qui vit aujourd'hui et tout ce qui a été, tout ce qui sera.
Repos éternel
Ce qu'il y a de plus magnifique au monde, c'est le cœur vivant de l'homme. Sa faculté d'aimer, de croire, de pardonner, de tout sacrifier au nom de l'amour, est une chose magnifique. Mais les cœurs vivants dorment d'un sommeil éternel dans la terre des cimetières.
L'âme d'un homme qui est mort, son amour et son malheur, on ne peut les voir ni les surprendre sur les pierres tombales, dans les inscriptions des monuments où les fleurs poussant sur un tertre. Son mystère, la pierre, la musique, les pleurs et les prières sont impuissants à le rendre. Devant le caractère sacré de ce mystère muet, tout est méprisable : tous les tambours et toutes les trompettes de cuivre de l'Etat, la sagesse de l'histoire, la pierre des monuments, le hurlement des mots et des prières pour les défunts. C'est cela, la mort..