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Les gens de la rue des rêves (Miyamoto, Teru)

Gilles : Ce livre, entre le roman et une suite de nouvelles ayant pour cadre la rue des rêves, est assez agréable et plaisant. Il propose une poésie du quotidien, par petites touches successives, en décrivant cette communauté qui anime ce quartier d'Osaka. A mes yeux, ce livre est sympa mais reste très en-dessous du roman épistolaire "Le brocart" du même auteur.


Critique : "Les gens de la rue des rêves" n'est pas un roman mais une suite de chroniques qui se situent toutes dans une rue commerçante d'Osaka. Notre guide dans ce quartier populaire est le jeune Haratu, poète incompris par les membres de son club qui jugent ses vers trop enfantins. Quand il rentre le soir après une rude journée de labeur, il aime aller se restaurer chez le père Wan, d'une soupe de raviolis ou d'une omelette au crabe, même si parfois il assiste malgré lui à une épique scène de ménage entre Wan et son épouse. Par contre, il évite soigneusement le studio de Mori Masahisa, le photographe aux mœurs d'inverti, tout comme la boutique des horlogers qu'on dit âpres au gain et dont le fils traîne une réputation de cleptomane, et par-dessus tout, il n'approche jamais de la boucherie des frères Tatsumi qui ont appartenu à la pègre avant de se ranger en reprenant le commerce paternel. Romantique, Haruta soupire après Mitsuko la coiffeuse qui vit en face de chez lui, sans soupçonner qu'il a un rival dans la rue. Sérieux, il ne fréquente pas le bar de la Charade dont la patronne collectionne les jeunes et beaux serveurs. Malgré lui, Haruta se voit mêler aux intrigues du quartier. On lui fait confiance, on respecte son sérieux et son intégrité. Avec lui, le lecteur arpente la rue des rêves et fait la connaissance de ses habitants. Humbles ou arrogants, vénaux ou généreux, aimables ou détestables, ils ont tous des rêves, des projets, des failles, des secrets que l'on partage dans un moment hors du temps. On devient alors une de ses âmes qui traversent la rue des rêves. On jette un œil dans la salle de jeu de pachinko, on échange quelques mots avec Tomi, l'attendrissante buraliste, on observe les frères bouchers, partir pour une de leurs virées nocturnes. On s'intègre à cette petite communauté pleine de vie. Les gens de la rue des rêves ne sont ni meilleurs ni pires que ceux de la rue d'à côté mais comme on les connait, on leur pardonne leurs défauts, on espère et on rêve avec eux.



Extraits


S’exercer à faire passer dans des mots à la portée de tous les fécondes dispositions de sa sensibilité – c’était là sa fontaine de Jouvence !… la source de tous ses espoirs ! Si, par exemple, à la fenêtre d’un train traversant la campagne, il avait échangé, l’espace d’un instant, un regard avec une belle adolescente arrêtée à la barrière d’un passage à niveau, cela soulevait en lui une foule de pensées qui l’occupaient sans relâche et l’envahissaient au point de l’oppresser.



- Dans leurs premières œuvres, il y avait certaines choses dont on ne pouvait rien tirer, mais on y sentait en germe tout ce qui, une fois poli, devait les faire briller. Tout l'art de l'éditeur, c'est en quelque sorte de savoir comment dégrossir une fille de la campagne pour en faire une courtisane. A ce sujet-là, je connais pas mal d'auteurs qui me doivent une fière chandelle. Mais les hommes, et en particulier la race des romanciers et des poètes, sont ainsi faits que le moindre succès les pousse à s'éloigner de ceux qui les fréquentaient avant qu'"ils ne l'obtiennent. Sans être l'histoire du canari abandonné dans la montagne pour avoir oublié son chant, les romanciers ingrats, croyez-moi, sont voués à finir dans l'oubli.


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