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La porte (Szabo, Magda)

Gilles : Livre atypique à la fois avec un caractère autobiographique de l'écrivaine et également symbolique sur la Hongrie et son passé communiste. J'ai trouvé l'histoire assez originale mais en même temps un peu lassante au fil des répétitions des rapports entre les 2 femmes. L'écriture m'a paru assez simple, j'ai eu l'impression de pertes au travers de la traduction (la langue hongroise ferait partie avec l'islandais des plus dures à traduire).


Critique : La narratrice, écrivaine, redevenue en odeur de sainteté auprès des média et des élites politiques, ne trouve plus le temps de s'occuper des tâches ménagères de son nouvel et plus grand appartement et cherche une personne pour ce faire. Elle rencontre, sur recommandation d'une amie, Emerence, un sacré phénomène ! « Je ne lave pas le linge sale de n'importe qui » ; Oui, c'est elle qui choisit si oui ou non elle travaillera pour eux. « Elle allait se renseigner sur nous… ensuite elle me ferait signe même en cas de réponse négative ». C'est le résumé de leurs relations durant une vingtaine d'années. Emerence pilote, gouverne. Pour elle, un travailleur est celui qui travaille avec ses mains. Madame, elle, écrit des livres, en parle à la télévision… Ce n'est pas un vrai boulot. Emerence ? Un oursin qui ne va pas à la messe, dans un pays très chrétien, mais qui pratique les paroles de l'église, aide ton prochain. Oui, elle aide sans pour cela en faire des montagnes, sans le dire. Personne n'entre chez Emerence. Elle reçoit dans un petit salon qu'elle a arrangé avant LA porte. Quels mystères a-t-elle à cacher ? Leur histoire commune n'est faite que de disputes, de réconciliations, d'incompréhension et pourtant, si pleine d'un amour quasi filial. Un lien très singulier où la domestique prend le dessus sur sa patronne sans que cela nuise à son travail et à leurs relations. Drôles de relations où Magda se sent toujours prise en faute. Une relation ambivalente qui trouve sa raison dans le passé d'Emerence. La porte, c'est également celle qu'elle met entre les autres et elle, entre sa vie actuelle et son passé. Personne ne sait. Emerence ne se livre que par petits bouts aux personnes qu'elles jugent digne de sa confiance ; la narratrice en fait partie. Sa vie n'est pas un long fleuve tranquille. Beaucoup d'images dans ce livre et, la dernière, l'effritement des meubles représente, pour moi, le passé de la Hongrie que l'on cache et qui tombe en poussière de lui-même. Une porte entrouverte sur la Hongrie.


L'abrupte Magda Szabó scrute la relation qui tout ensemble unit et oppose une intellectuelle et sa vieille domestique, avec la Hongrie communiste en arrière-plan.



Extraits



Elle ne cessait de me poser la question à laquelle aucun écrivain ne peut vraiment répondre, lorsqu'un journaliste ou un lecteur lui demande comment un roman peut naître de rien, de mots, je ne pouvais pas lui expliquer la magie quotidienne de la création, on ne peut pas décrire avec des mots comment et d'où viennent les lettres sur la page blanche.




Je crois que nous jouissions pleinement de la vie, si un étranger venu chez nous pour la première fois, en voyant Emerence vaquer à la cuisine, l’avait prise pour ma tante ou ma marraine, je ne l’aurais pas détrompé, il était impossible d’expliquer la nature, l’intensité de notre relation, ou le fait qu’ Emerence était pour chacun de nous une nouvelle mère, bien qu’elle ne ressemblât à aucune des nôtres. La vieille femme ne nous harcelait pas de questions, nous ne lui en posions pas non plus, elle livrait ce qui lui semblait bon, mais en fait, elle parlait peu, comme une véritable mère dont le passé ne compte plus quand elle ne s’occupe de rien d’autre que de l’avenir de ses enfants.




- Emerence, repris-je, si cela avait été l'inverse, vous m'auriez laissé mourir ? - Bien sûr, répondit-elle sèchement. Ses larmes avaient cessé de couler. - Et vous ne le regretteriez pas ? - Non. [...]Qu'est-ce que ça sait, un mort, qu'est-ce que ça voit, qu'est-ce que ça ressent ? Vous vous imaginez qu'on vous attend là-haut, et que Viola ira aussi quand il mourra, et que tout sera comme maintenant, que vous retrouverez l'appartement, que les anges emporteront votre machine à écrire et l'écritoire de votre grand-père, et que tout continuera ? Ce que vous pouvez être bête ! Quand on est mort, on se fiche de tout, un mort, c'est zéro. Comment pouvez-vous ne pas comprendre ? Vous êtes pourtant assez vieille.


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