Gilles : Suite aux éloges entendus sur cet auteur, je me suis lancé dans la lecture de son premier roman. Je l'ai lu d'une traite. En général, quand la lecture est rapide, il reste difficile de parler de qualité littéraire. J'ai été peu sensible au style plat pour narrer une vie morne de personnages dépressifs. Je suis peu convaincu de l'originalité des idées portées (libéralisme sexuel). Le lien entre la cause et les effets me semblent fumeux. Ce n'est pas mal écrit comme beaucoup de livres qui se vendent aujourd'hui sans que cela relève de la littérature. Ce livre me paraît largement surestimé.
Critique : L'analyse froide d'un cadre informatique, dans la trentaine, sur les gens qui l'entourent. Il est célibataire bien sûr, déconnecté, désabusé et surtout dépressif. "J'ai si peu vécu que j'ai tendance à m'imaginer que je ne vais pas mourir ; il paraît invraisemblable qu'une vie humaine se réduire à si peu de chose ; on s'imagine malgré soi que quelque chose va, tôt ou tard, advenir. Profonde erreur. Une vie peu fort bien être à la fois vide et brève. Les journées s'écoulent pauvrement, sans laisser de trace ni de souvenir ; et puis, d'un seul coup, elles s'arrêtent." Un voyage professionnel en province avec un collègue de travail, obsédé mais puceau, qu'il poussera au meurtre, lui permettra de nous faire part de son analyse du libéralisme et de la lutte qui lui est inhérente, mais qu'il élargira aux problématiques économiques ou sexuelles au gré de ses rencontres, comme une extension du domaine de la lutte. Si on prend un peu de recul, il y a du second degré qui rend l'analyse plutôt drôle, voire hilarante parfois. J'adore le cynisme froid dont il fait preuve dans sa description des relations humaines, professionnelles et sexuelles. Ce n'est pas si souvent qu'un dépressif nous fait rire... C'est écrit dans un style qui ressemble à son auteur finalement, sans concession, avec un petit sourire au coin de la bouche, moqueur ou je-m'en-foutiste. Un livre qui se lit d'une traite, d'autant qu'il est court et passionnant dans sa description du pessimisme dépressif. No future !
Extraits
Dans un système économique où le licenciement est prohibé, chacun réussit plus ou moins à trouver sa place. Dans un système sexuel où l'adultère est prohibé, chacun réussit plus ou moins à trouver son compagnon de lit. En système économique parfaitement libéral, certains accumulent des fortunes considérables; d'autres croupissent dans le chômage et la misère. En système sexuel parfaitement libéral, certains ont une vie érotique variée et excitante; d'autres sont réduits à la masturbation et la solitude. Le libéralisme économique, c'est l'extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société. De même, le libéralisme sexuel, c'est l'extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société.
Mais je ne comprends pas, concrètement, comment les gens arrivent à vivre. J'ai l'impression que tout le monde devrait être malheureux; vous comprenez, nous vivons dans un monde tellement simple. Il y a un système basé sur la domination, l'argent et la peur - un système plutôt masculin, appelons-le Mars; il y a un système féminin basé sur la séduction et le sexe, appelons-le Vénus. Et c'est tout. Est-il vraiment possible de vivre et de croire qu'il n'y a rien d'autre? Avec les réalistes de la fin du XIXe siècle, Maupassant a cru qu'il n'y avait rien d'autre; et ceci l'a conduit jusqu'à la folie furieuse.