Gilles : Il s'agit de mon 4ème livre de Saramago. Sans être complément emballé, je reste intéressé et curieux de ces récits qui propose très souvent un dispositif original. Celui-là ne déroge pas à cette règle avec le personnage principal Ricardo Reis, un des hétéronymes de l'écrivain phare du Portugal Fernando Pessoa, qui revient à Lisbonne, patrie de Pessoa, après 16 ans passés au Brésil et qui est amené à discourir du monde avec le fantôme de Pessoa. Saramago oppose dans ce roman à Reis/Pessoa et sa vie sans relief qui reste à distance de la vie réelle, notamment les montées des dictatures en Espagne, au Portugal, Allemagne. Saramago conteste sans l'expliciter clairement le comportement sans implication du plus grand écrivant portugais. Le livre reste plaisant même s'il reste un peu bavard.
Critique :
J'avais déjà lu deux romans de Saramago et j'avais bien aimé son style. Je commençai donc par « L'Année de la Mort de Ricardo Reis » le roman que le prix Nobel portugais a consacré à Pessoa. Ricardo Reis est un des nombreux hétéronymes de Pessoa. En effet, le poète dont le nom en portugais signifie « personne » écrivit sous de nombreux noms, en plus du sien : Alberto Caeiro, Ricardo Reis, Alvaro de Campos, Bernardo Soares… Ce sont-là plus que des noms de plumes ou pseudonymes. Chacun de ces noms représente un personnage avec son histoire et son caractère imaginaires et son style propre.
Le roman de Saramago raconte l'histoire du docteur Ricardo Reis, émigré au Brésil et qui revient à Lisbonne en 1936 après avoir appris la mort de Pessoa. Il s'installe à l'hôtel Bragança, se promène dans la ville, s'arrête sur les bancs pour lire le journal. A l'hôtel, il entend les échos de la guerre d'Espagne et observe la montée en puissance du régime de Salazar. Il tombe amoureux de Marcenda, une jeune femme de Coimbra qui vient régulièrement à Lisbonne se faire soigner. Mais c'est la femme de chambre Lidia qui le rejoint de temps à autre dans sa chambre. Ces quelques péripéties amoureuses mises à part, il mène une vie sans relief. Sauf qu'il lui arrive, sans crier gare, de rencontrer le fantôme de Pessoa et de discourir avec lui de la marche du monde. Reis se décide à quitter l'hôtel et à reprendre une pratique médicale, mais il attire aussi, sans trop de raison apparente, les suspicions de la police politique du régime. le livre de Saramago est très bien écrit. Ce fut une excellente introduction aux quartiers du centre-ville et au monde de Pessoa.
Extraits
Il n’y a pas de repos dans le monde, ni pour les morts ni pour les vivants. Alors où est la différence entre les uns et les autres. Il n’y en a qu’une, les vivants ont encore le temps de dire le mot, de faire le geste, mais ce temps leur est compté. Quel geste, quel mot. Je ne sais pas, on meurt de ne pas l’avoir dit, on meurt de ne pas l’avoir fait, c’est de ça qu’on meurt, pas de maladie, et c’est pour ça qu’un mort a tant de mal à accepter sa mort.
La langue choisit probablement les écrivains qui lui sont nécessaires, elle les utilise pour exprimer une parcelle de la réalité, j'aimerais voir ce que sera la vie, quand la langue après avoir tout dit se taira.
Comments