Gilles : Réputées hermétiques, j'ai essayé deux modes de lecture pour ce recueil des poésies de Mallarmé. Le premier en lisant systématiquement les commentaires de chaque poésie dans l'espoir d'y trouver un sens, le deuxième en les lisant directement comme on se jette à l'eau. Le premier mode a été finalement ennuyeux amenant finalement un décalage entre la beauté des mots et de leurs sonorités et les contextes associés (commandes littéraires, vie personnelle, ...). Le deuxième mode a été le plus plaisant permettant de profiter de la qualité de ces poésies en étant toutefois limité dans leurs compréhensions. Un peu comme les poésies de René Char, dans un autre genre, on se sent devant un monument sans être complètement capable d'en profiter.
Critique : Je ne sais pas au juste pourquoi j'aime les poésie ou la poésie de Stéphane Mallarmé car de toute évidence je n'y comprends rien et, pire, ses textes pris dans leur ensemble ne m'inspirent pas grand chose. En revanche, je trouve ses vers absolument magnifiques individuellement même si, bout à bout, ils cessent de me parler. Comme un tableau vu de très près qui paraîtrait somptueux et qui serait décevant vu de loin. Encore davantage en ce qui concerne Mallarmé, la poésie gagne à être lue à voix haute et chaque vers devient alors une mélodie particulière dont les oreilles et l'âme se régale ! Sauf que la mélodie suivante n'est pas accordée et que l'ensemble me semble, hélas pour moi, être une cacophonie, je me répète. Pierre Desproges nous proposait de déclamer trois vers de Verlaine à un quelconque guichet administratif, essayez donc avec du Mallarmé !.
Extraits
Brise marine
La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend,
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture
Lève l’ancre pour une exotique nature !
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages
Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots…
Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots !
Le tombeau d’Edgar Poe
Tel qu’en Lui-même enfin l’éternité le change,
Le Poète suscite avec un glaive nu
Son siècle épouvanté de n’avoir pas connu
Que la mort triomphait dans cette voix étrange !
Eux, comme un vil sursaut d’hydre oyant jadis l’ange
Donner un sens plus pur aux mots de la tribu
Proclamèrent très haut le sortilège bu
Dans le flot sans honneur de quelque noir mélange.
Du sol et de la nue hostiles, ô grief !
Si notre idée avec ne sculpte un bas-relief
Dont la tombe de Poe éblouissante s’orne
Calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur
Que ce granit du moins montre à jamais sa borne
Aux noirs vols du Blasphème épars dans le futur.