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Le Gardeur de Troupeaux & poèmes d'Alberto Caeiro & poésies d'Alvaro de Campos (Pessoa, Fernando)


Gilles : I.


Critique :


C'est comme si on lisait deux poètes. le premier, Alberto Caeiro , dit, à l'infini, que ce qui est ce qui est, qu'une fleur est une fleur, et que c'est tout, qu'il n'y a pas besoin de penser, qu'il faut juste voir les choses, sans y chercher un sens, un mystère, une symbolique, sans y ajouter ce qui n'y est pas à l'évidence. le deuxième, Alvaro de Campos, veut tout saisir, tout pénétrer, tout comprendre, et, malgré le tourbillon du vu et du vécu, tombe dans la désespérance de n'y rien comprendre, pas même lui-même, et ploie sous le vertige mystérieux d'être. Pourquoi suis-je moi? Inaccessible réponse. Deux attitudes possible. Je suis moi et je n'y pense pas; je suis moi et je cours après l'énigme que je résoudrai toujours après-demain, dans une procrastination constante du sens de la vie. Pessoa adopte les deux attitudes, comme nous tous, radeaux tanguant sans cesse entre le plaisir sans arrière-pensées, constatant joyeusement que le ruisseau est le ruisseau, et la question piège : l'eau du ruisseau qui coule est-elle réelle ou n'est-elle que mouvement, jamais identique à ce qu'elle était l'instant d'avant? La poésie est à la fois refus de la philosophie et appel d'un sens fuyant.


Extraits


Notre vie est un voyage

Dans la nuit et dans le vent

Nous trouvons notre passage

À travers espace et temps

Rien jamais ne nous arrête

Et du soir jusqu'au matin

Chaque nuit est une fête

Et non pas un songe vain.


...


Voici peut-être le dernier jour de ma vie.

J'ai salué le soleil en levant la main droite,

mais je ne l'ai pas salué en lui disant adieu -

non, plutôt en faisant signe que j'étais heureux de le voir :

c'est tout.


...


" Holà, gardeur de troupeaux,

sur le bas-côté de la route,

que te dit le vent qui passe ?"


" Qu'il est le vent, et qu'il passe,

et qu'il est déjà passé

et qu'il passera encore.

Et à toi, que te dit-il ?"


"Il me dit bien davantage.

De mainte autre chose il me parle,

de souvenirs et de regrets,

et de choses qui jamais ne furent."


" Tu n'as jamais ouï passer le vent.

Le vent ne parle que du vent.

Ce que tu lui as entendu dire était mensonge,

et le mensonge se trouve en toi.".





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