Gilles : I.
Critique 1 :
Graham Greene publia « la puissance et la gloire » en 1940, époque où les chrétiens étaient martyrisés en Union Soviétique, en Espagne et au Mexique, dans ce que le Pape Pie XI appelait « le triangle terrible », époque où les juifs étaient eux martyrisés en Allemagne …
Au Mexique, la persécution, sous différentes formes, existait depuis le début du XIX siècle mais en 1917 la loi Calles imposa l'éradication de l'église catholique et dans la province de Tabasco « les chemises rouges » assassinèrent les uns après les autres les membres du clergé, comme ce fut le cas en Espagne dans les années 30 à l'époque du « front crapulaire ». Persécutions vécues à notre époque dans certaines provinces de l'Inde, du Vietnam ou en Chine et au Nigéria, par exemple.
C'est dire que ce roman est toujours bouleversant, et que ce pécheur, prêtre fort peu exemplaire, parce qu'il est fusillé en tant qu'ecclésiastique, devient martyr et que son témoignage conserve de nos jours une telle force et un telle actualité comme François Mauriac le soulignait : « grande leçon donnée à ces obsédés de la perfection, à ces scrupuleux qui coupent en quatre leurs misérables manquements et qui oublient qu'au dernier jour, selon le mot de Saint Jean de la Croix, c'est sur l'amour qu'ils seront jugés. ».
Critique 2 :
Roman qui raconte la traque du dernier prêtre qui officie encore clandestinement dans une région du Mexique, au début du 20ème siècle, alors que les autres ont été contraints de se marier, se sont enfuis, ou considérés comme traîtres ont été jugés et fusillés.
Ce prêtre ci, et il en convient est un mauvais prêtre, qui a beaucoup pêché et n'hésite pas à enfreindre une loi interdisant la consommation d'alcool. Il se rappelle que, jeune religieux, il a vécu une vie facile et a été orgueilleux, mais que reste-t-il de tout cela, à l'approche de la vieillesse, il tente bien de fuir, sans vraiment s'y résoudre sérieusement et mène une vie de misérable sur les routes du Mexique, faisant des rencontres et se questionnant sur son utilité. Roman questionnant sur la valeur réelle d'un homme mais aussi sur la religion et de quoi est on en droit d'attendre de l'Eglise et d'un prêtre en particulier.
Un roman qui ne laisse pas indifférent.
Extraits
J'ai toujours été assez mauvais catholique, mais tout de même c'était, c'était la musique, les lumières, un endroit où l'on peut s'abriter de l'extrême chaleur, et pour ta mère, mon Dieu, cela lui fournissait une occupation constante.
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Un des Pères nous apprend que la joie est tributaire de la souffrance. La souffrance est partie essentielle de la joie. Quand nous avons faim, songez comme la nourriture nous paraît bonne. Quand nous avons soif... [...] Nous nous privons pour mieux apprécier. Vous avez entendu parler de ces hommes riches, dans le Nord, qui mangent des mets salés, afin d'augmenter leur soif, avant de boire ce qu'ils appellent un cocktail. Avant le mariage aussi viennent les longues accordailles [...] Voilà pourquoi je vous dis que le Ciel est ici : ceci fait partie du Ciel, comme la douleur fait partie de la joie. Priez [...] d'avoir à souffrir encore et de plus en plus. Ne vous lassez jamais de la souffrance. Les gendarmes qui vous épient, les soldats qui ramassent les impôts, les coups que vous recevez sans cesse du jefe parce que vous êtes trop pauvres pour payer, la petite vérole, la fièvre, la faim... tout cela fait partie du Ciel, et vous y prépare. Peut-être que sans toutes ces misères, qui sait, le Ciel vous paraîtrait moins beau. Le Ciel ne serait pas complet. Et le Ciel. Qu'est-ce donc que le Ciel ? [...] Le Ciel est le lieu où il n'y a pas de jefe, pas de lois injustes, pas de soldats, pas de famine. Au Ciel, vos enfants ne meurent pas.
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