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Le banquier anarchiste (Pessoa, Fernando)

Gilles : Livre conseillé par un libraire qui m'a permis de découvrir l'univers de Pessoa mêlant l'absurde, la réflexion sociale, la mauvaise foi. Il s'attaque ici de façon jubilatoire à dénoncer le pouvoir de l'argent, qui détruit le bien le plus précieux de l'homme : la liberté.


Critique : Ce texte se présente sous forme d'un dialogue entre un banquier justifiant sa réussite sociale sous couverture d'idéologie et de convictions anarchistes, et un ami plutôt sceptique quant à ses réelles aspirations. Ainsi, patiemment notre banquier développe implacablement et sans réfutation possible sa logique d'anarchiste convaincu combattant cette société bourgeoise, capitaliste, et de fait liberticide. Texte brillamment construit qui nous prouve (entre autre) comment une rhétorique impitoyable, élaborée à partir de réalités sociétales habilement distillées dans un argumentaire par l'absurde, peut parvenir à convaincre du bien-fondé de ses convictions et de ses choix. L'art oratoire en devient alors terrifiant lorsqu'il est aussi savamment maîtrisé : on imagine aisément quelles graines on peut faire germer dans des esprits étroits avec autant de force de persuasion... Ecrit en 1922 mais plus que jamais d'actualité.


Extraits


C’est ici, mon ami, que j’ai fait appel à toute ma lucidité. Travailler pour l’avenir, me dis-je, c’est bien ; travailler pour la liberté des autres, c’est juste. Mais… et moi, alors ? Est-ce que je ne compte pas, moi aussi ? Si j’avais été chrétien, j’aurais travaillé joyeusement au bonheur de mon prochain, car j’aurais trouvé ma récompense au ciel ; mais si j’avais été chrétien, je n’aurais pas été anarchiste, car ces fameuses inégalités sociales n’ont alors aucune importance dans notre courte vie, n’étant que des mises à l’épreuve et trouvant leur récompense dans la vie éternelle.

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